Adrien Quatennens a eu raison et tort à la fois
Je pense qu’Adrien Quatennens a eu tort d’accorder une interview le 14/12/2022 à Bruce Toussaint sur BFMTV parce qu’il a eu l’illusion de la possibilité d’un dialogue honnête et sans concession. Reconnaissons aussi qu’il a eu le courage de ne pas se dérober. A chacun de se faire son opinion en visualisant ce document extrêmement instructif.
J’ai zappé par hasard sur l’entretien évoqué vite tenté par écœurement de passer mon chemin mais retenu, je l’avoue, fasciné par l’assurance et le cynisme du journaliste. Un moment intense de vérité de ce qui se passe dans notre société. L'exemple de la force et la violence froide extrêmement puissante du pouvoir médiatique sur la vraie vie qui enfonce toutes les oeuvres de fiction que nous pouvons voir bénéficiant pourtant de cadrages et mises en scène savamment calculés voire d’un appui sonore ou d’une lumière travaillée.
Adrien Quatennens a dû perdre quelques illusions supplémentaires comme bien d’autres avant lui et sûrement d’autres qui viendront qui ne le savent pas encore et gagner aussi un peu d’expérience (dure loi de la vie) concernant ce dont sont capables ce type de médias et de journalistes. Avec quelle maîtrise et sang-froid ce genre de professionnels est capable de descendre dans l’ignominie où si naturellement et habilement il navigue ici entre le rôle d’enquêteur, de procureur et juge. Semant de petits pièges et jugements dérisoires, excusant plusieurs fois comme des pratiques banales les dérives policières et journalistiques tout en affichant dans la foulée, sans hésitation ni honte, des postures morales pour tenter de déstabiliser la dignité courageuse et la volonté de s’expliquer dont ne s’est jamais départi Adrien Quatennens.
Evidemment, immédiatement l’entretien terminé, la comédie habituelle consistant à bien nous faire comprendre ce que nous venons d’écouter et quelles conclusions en tirer s’est jouée entre deux journalistes venus en renfort, se partageant les piques, poussant la tartufferie jusqu’à faire mine de déplorer les futurs ennuis de l’impétrant qu’il venait supposément d’aggraver l’instant d’avant. Sans surprise. Nous sommes habitués à voir ce procédé en action et visiblement les acteurs du jour étaient bien entraînés. Nous avons tous bien d’autres exemples en mémoire, d’ici ou d’ailleurs. Ce sont des journalistes professionnels. Ils ont une carte de presse en bonne et due forme et tous les droits que cela octroie. De par la puissance financière qu’ils servent et grâce au cadre réglementaire qui va bien avec, certains ont maintenant comme des privilèges de super citoyens pour nous imposer leurs éléments de langage et la puissance de leurs influences. Avons-nous définitivement renoncé à ce qui nous reste de citoyenneté partagée ? Ce système médiatique s’est imposé sans que jamais nous n’ayons eu notre mot à dire. Comme dans bien d’autres choses. Ce système est tellement efficace que beaucoup n’imaginent même plus que ce pourrait être autrement.
Des questions immanquablement se posent à nous tous. Quel est exactement vis-à-vis de nos prérogatives de citoyens, du droit public, de celui encadrant l’activité de la presse, d’une quelconque déontologie la concernant dont je pense malheureusement que c’est dans la réalité une utopie au constat de ce qu’elle est devenue pour l’essentiel dans notre vie quotidienne, quel est exactement le statut et la légitimité de ces pratiques de tribunal médiatique pratiquant et incitant au lynchage avant, pendant et après le déroulement d’une affaire judicaire avec toute sorte de complicités tacites ou actives ? Il y a un enjeu pour chacun d’entre nous dans cette affaire et bien d’autres. C’est de ne pas être complice en conscience ou inconscience ou par simple mimétisme tellement ces méthodes et leur contagion sont répandues et banalisées maintenant. Elles trouvent quasi instantanément de la complaisance active ou passive dont nous sommes tous victimes.
Point positif, nous avons appris que les fuites concernant le dépôt d’une main courante il y a plus d’un an par madame Quatennens a eu lieu dans les minutes qui ont suivi le dépôt.
Cette affaire est doublement emblématique.
Par la vitesse avec laquelle elle a été traitée où apparemment il n’y avait pas de temps à perdre. Ce qu’apprécieraient grandement tous ceux qui ont un problème de couple impliquant la police et la justice, notamment en cas de violence ou de danger.
Par le traitement médiatique à charge qui a été mené où manifestement la priorité a été de salir et déstabiliser un personnage politique plutôt que d’approfondir et comprendre autant que faire se peut la réalité des faits et le rôle des différents acteurs. C’est en réalité aussi un très mauvais service rendu à notre société que le doute à l'égard des uns et des autres mine et à ceux qui rencontrent dans leur vie ce genre de difficultés ou qui sont victimes d’abus.
Nous avons tort de nous habituer à cette dérive parce que les médias et ceux qui s’en servent à leur fins nous habituent en nous utilisant à l’insu de notre plein gré assez souvent à prendre parti en méconnaissance de cause au détriment de personnes qui cherchent la protection et l’arbitrage de la justice avant tout. Effets collatéraux ou bonus pour certain, dégradation de l’esprit civique, dégradation et perte de confiance vis-à-vis de la police et la justice, confusion et divisions, dénoncées et alimentées en même temps.
Rappelons que nous avons affaire à un homme qui a reconnu ses torts, assez durement sanctionné me semble-t-il comme primo-condamné mais je ne connais pas plus que la plupart d’entre nous les détails du dossier, qui accepte le jugement rendu. Certains médias bruissent de plaisir.
Cet homme est condamné, fait ce qu’il faut pour réparer sa faute. La condamnation appliquée n’est pas un bannissement ni encore un empêchement d’assumer une fonction électorale. Faut-il ici en supplément un lynchage de la vie sociale ? L’appel au lynchage est-il un droit, un gage de moralité, un acte de justice, un devoir ou une lâcheté intéressée, supposée rentable et mêlée d’arrière-pensées ainsi que d’un plaisir contagieux ? Des personnalités de tous bords se perdent (ou non) dans ce marais sans vouloir voir ou en pensant que nous ne le voyons pas, que certains médias cherchent régulièrement à instrumentaliser la bonne foi et l’ignorance entretenue de ceux qui cherchent avant tout la justice et s’indignent de sa faiblesse, afin de faire douter et diviser ceux qui se reconnaissent dans les aspirations démocratiques des couches sociales qui dans un sursaut salutaire les ont portées là où elles sont.
Il s’agit juste de ne pas être dupe et de repérer qui est qui et qui fait quoi.Il y a longtemps qu’est demandée la mise à jour du statut d’élu. En 2017, E Macron l’avait promis puis s’est dérobé. sans pouvoir ignorer qu'il y a du pain sur la planche. Tant qu’à faire, légiférer aussi sur la concentration, le financement et les fonctionnements de la presse est tout aussi nécessaire. Et bien d’autres choses, très pratiques, simple à mettre en œuvre, nous permettant de retrouver le chemin d’une authentique démocratie. Les moins de 39 ans en ne votant pas à 70% aux législatives nous ont envoyé un message de désespérance et d’impuissance. Aussi visiblement d’incompréhension. Ce n’est pas une urgence qui nous concerne tous ?
Il y a des gens qui mènent le pays à la catastrophe. Faut-il les suivre sans rien dire parce qu’aujourd’hui cela m’arrange qu’ils tapent sur un que je n’apprécie pas ou qui me gêne ? Et après ? Là comme ailleurs les responsabilités individuelles et collectives se croisent et se tissent. Ne laissons pas les divisions instrumentalisées par l’adversaire nous faire douter de nous. Toutes les couches sociales qui se sont manifestées dans un sursaut prometteur encore insuffisant ne nous le pardonneraient pas. Et bien sûr nos adversaires sentant le danger ont urgemment besoin de cela. Prêts à toutes les combinaisons possibles, déjà à l’œuvre comme ils l’ont largement dévoilé pour qui veut le voir.